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May 31, 2021 to June 4, 2021
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Quand des enjeux identitaires sont un frein à l’engagement écologique des jeunes. L’exemple de la mise en visibilité de l’engagement sur les réseaux sociaux.

Jun 1, 2021, 5:20 PM
40m
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Lien zoom : https://u-paris.zoom.us/s/83379764626 ID de réunion : 833 7976 4626 Code secret : 261873
Communication classique d’une vingtaine de minutes Politique et religion

Speaker

Mathias PRZYGODA (Université de Pau)

Description

Contextualisation
A l’aune de la modernité, les contours des engagements écologiques juvéniles se sont redessinés (Ion, 1997 ; Pleyers, 2016a et 2016b). Ce nouveau contexte participe à une modification des pratiques militantes autant dans ses formes, que dans ses expressions ou que dans ses contenus (Bobineau, 2010). Les jeunes engagés en faveur de l’écologie se retrouvent alors dans des situations d’expérimentation, devenues des processus de construction identitaire propre à une génération et synonymes d’une époque (Galland, 2011). La subjectivité et l’affect de ces acteurs luttant en faveur de l’environnement vont être deux éléments centraux dans leur rapport à l’engagement (Pleyers et Glasius, 2013).
A cela, l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TICs) a permis aux nouveaux mouvements sociaux de créer de nombreux espaces numériques, interconnectés et interdépendants avec les espaces hors ligne (Granjon, 2017).
Ces espaces hybrides aux frontières étroites, sont traversés et investis émotionnellement par les jeunes militants d’une manière singulière, en fonction de la visibilité qu’ils induisent. En effet, différentes stratégies sont mises en place par ces jeunes selon le public devant lequel ils imaginent s’exposer (Jenkins et boyd, 2015 ; Cardon, 2019).
Ainsi, ces stratégies de mise en visibilité de soi viennent révéler une tension que nous souhaitons mettre à jour dans cette communication : malgré l’investissement, parfois intense, des jeunes dans leurs actions en faveur de l’environnement, il s’avère que des freins à leur engagement existent et persistent. Les croyances ainsi que les passions des jeunes défenseurs du climat viennent alors se heurter aux injonctions de visibilités contemporaines (Aubert et Haroche, 2011 ; Lachance, Leroux et Limaire, 2017). L’expérience de l’engagement écologique s’inscrit donc dans un débat plus large à cette période de la vie : celui de l’affirmation de son identité dans le contexte hypermoderne (Galland, 2011 ; Giddens, 1994).

Méthodologie
Cette présentation est l’un des résultats du projet de recherche ECOTIC en cours de réalisation, sur le rapport à l’engagement écologique des jeunes. Les objectifs de cette recherche sont multiples, mais ils convergent principalement vers l’acquisition d’une connaissance plus fine des pratiques juvéniles engagées ainsi que le rôle joué par les TICs, en s’intéressant notamment au rapport des jeunes à l’écologie. Notre échantillon est composé, d’une part, de jeunes engagés collectivement dans des structures, et d’autre part, de jeunes ayant des pratiques individuelles en faveur de l’écologie. D’un côté, nous avons cherché des répondants qui agissent à travers des actions portées par des associations, qui se rendent dans des manifestations et de l’autre, des jeunes aux pratiques plus isolées ayant la volonté de changer de modes de consommation ou de moyens de transport par exemple. Un tel choix méthodologique s’explique par les résultats de Pleyers (2010), qui proposent de comprendre l’engagement écologique juvénile contemporain comme plus individualisé et privatisé qu’auparavant. Selon lui, les modalités d’engagement sont changeantes, c’est-à-dire qu’elles prennent des formes d’expressions moins traditionnelles, parfois moins collectives, plus discrètes, ce qui oblige le chercheur à élargir son champ d’analyse (Ibid.). Cependant, une condition de participation à notre enquête était que les jeunes interviewés devaient se définir eux-mêmes comme étant engagés.
Lors de ce terrain, 62 entretiens semi-directifs ont été réalisés. Nous avons interviewé 32 jeunes ayant entre 14 et 17 ans et 30 autres ayant entre 18 et 25 ans. Parmi nos répondants, nous comptons 30 garçons et 32 filles. Environ la moitié d’entre eux a affirmé faire partie d’associations ou de structures engagées en faveur de l’écologie. Les entretiens se sont déroulés en face-à-face ou par appel téléphonique, levant ainsi la difficulté de la distance géographique entre le chercheur et le répondant . Tous les jeunes ont été entendus une fois pour une durée qui a pu varier entre 40 minutes et 1h30. Notre protocole était divisé en deux parties : la première regroupait des questions à propos des critères de définition de l’engagement écologique et la seconde des questions sur la réception, la diffusion ainsi que la production de contenus en ligne défendant l’environnement, afin de mieux comprendre le rôle des informations en ligne dans leur engagement.
Nous avons d’abord opté pour une analyse inspirée des travaux de Glaser et Strauss (1967), respectant les étapes de la codification, de la catégorisation puis de la mise en relation. Après ce premier travail, un retour sur nos terrains nous a amené à une seconde lecture de nos entretiens, avec cette fois-ci l’objectif de faire ressortir de nouvelles relations entre les catégories exprimées dans les entretiens.

Résultats
Les principaux résultats que nous aimerions présenter sont les suivants :

  • Il existe trois types de mise en visibilité de l’engagement écologique en ligne, des enjeux environnementaux, des mouvements écologiques et de soi-même. Cela entraine différentes manières de présenter son engagement et ses croyances selon le profil en ligne utilisé et le public qui reçoit les informations.
  • Il existe deux tensions majeures dans la mise en visibilité de son engagement écologique. La première concerne les différents risques qui sont décrits par les jeunes lorsqu’ils cherchent à rendre visible leurs idéaux et actions en faveur de l’écologie. En fait, les jeunes sont amenés à élaborer des stratégies de gestion de visibilité de leur engagement pour minimiser les risques d’exposition. La deuxième étant l’évaluation des engagements entre pairs selon les formes de mise en visibilité empruntées, où nombre de jeunes interviewés s’évaluent et hiérarchisent leurs engagements par rapport à leurs actions.

Même si les passions et les croyances investies dans la défense de l’environnement sont partagées dans certaines communautés de jeunes, elles n’en sont pas moins discréditées et stigmatisées par une partie de leurs pairs. Interroger l’exposition de son engagement à travers ce prisme vient nous indiquer un certain rapport entretenu par les jeunes dans la gestion de leur visibilité lors de cette expérience subjectivante.

Bibliographie
AUBERT Nicole et HAROCHE Claudine (dir.), Les tyrannies de la visibilité. Etre visible pour exister ?, Toulouse, Eres, 2011, 355p.
BOBINEAU Olivier, Les formes élémentaires de l’engagement. Une anthropologie du sens, Paris : Temps Présent, 2010, 166p.
CARDON Dominique, Culture numérique, Paris, Presses de Science Politique, 2019, 432p.
GALLAND Olivier, Sociologie de la jeunesse, Paris, Armand Colin, 2011 [1997], 256 p.
GLASER Barney et STRAUSS Anselm, The Discovery of Grounded Theory : Strategies for Qualitative Research, Oxford, Aldine Transaction, 1967, 271p.
GIDDENS Anthony, Les conséquences de la modernité, Paris, L’Harmattan, 1994, 192p.
GRANJON Fabien, Mobilisations numériques, Paris, Presses des MINES, 2017, 212p.
ION Jacques, La fin des militants ?, Paris, L’Atelier, 1997, 124p.
JENKINS Henry, ITO Mizuko, boyd danah, Participatory Culture in a Networked Era: A Conversation on Youth, Learning, Commerce, and Politics, Cambridge, Polity Press, 2015, 160p.
LACHANCE Jocelyn, LEROUX Yann et LIMAIRE Sophie, Selfie d’ados, Presses de l’Université de Laval, 2017, 181p.
PLEYERS Geoffrey et CAPITAINE Brieg (dir.), Mouvement sociaux. Quand le sujet devient acteur, Paris, Maison des sciences de l’homme, 2016a, 280p.
PLEYERS Geoffroy et CAPITAINE Brieg, « Alteractivisme : comprendre l’engagement des jeunes », Agora débats/Jeunesses, vol. 2, n°73, 2016b, p. 49-59.
PLEYERS Geoffrey et GLASIUS Marlies, « La résonnance des « mouvements des places » : connexions, émotions, valeurs », Socio, n°2, 2013, p. 59-80.
PLEYERS, Geoffrey. Alter-Globalization: Becoming Actors in the Global Age. Polity, Cambridge, 2010, 316p.

Primary author

Mathias PRZYGODA (Université de Pau)

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