Présidente : Marie-Anne DUJARIER, Université de Paris
Discutant : Alain EHRENBERG, Université de Paris
Une passion dévorante : la géophagie chez les Haïtiens
La consommation de la terre est un enjeu de santé publique pour les Haïtiens. Elle touche les Haïtiens même en dehors des frontières physiques d’Haïti, ceci par la transnationalisation des comportements alimentaires. Cette pratique de consommation qu’on observe chez certains Haïtiens en Haïti et dans la diaspora est-elle liée à une envie pendant la grossesse, une influence des groupes de pairs, une nostalgie du pays d’origine, ou plutôt une passion dévorante que certains Haïtiens ne peuvent vaincre ? Qu’est-ce qui se cache derrière cette pratique de consommation et son exportation dans les diasporas haïtiennes ?
Si certains discours construits sur Haïti attribuent cette consommation à la pauvreté de ce pays et à la misère de sa population, il est quand même pertinent de construire un regard critique sur ces discours et d’envisager d’aborder cette problématique sous l’angle de l’addiction aux galettes de « tè ». Pour cela, dans cette communication, en me basant sur les données de terrains recueillies en Haïti, en Guyane française et en France hexagonale auprès des Haïtiens, je souhaite aborder les pratiques alimentaires de consommation de galettes de « tè » dans une approche de conduites addictives. Ainsi, les différentes formes et pratiques de consommation des galettes de terre et les différentes raisons de consommation seront mises en avant, tout en les inscrivant dans un contexte subjectif dans lequel les constructions du discours des sujets prennent sens à partir de leurs trajectoires, de leurs situations sociales et de leur propre réflexivité.
Résumé de Profil
Dana RICHEMÉ est actuellement doctorante en Sociologie et Démographie à l’Université de Paris. Elle est affiliée au laboratoire Centre de recherche médecine, sciences, santé, santé mentale, société (Cermes3). Ses recherches abordent une large sphère de problématiques comme géophagie, diaspora, comportements alimentaires, risques sanitaires, genre et consommation, représentations du corps dans les pratiques alimentaires, etc.
Phénomène qui allie « souci de soi » et « la foi comme opérateur d’accomplissement individuel » (Hervieu-Léger, 2001, p. 105), le yoga s’inscrit dans des glissements entre religieux et séculier dans les quêtes de santé contemporaines. Les discours collectivement partagés valorisant celui-ci comme outil de « réalisation de soi » où le pouvoir décisionnel en reviendrait à l’individu sont sous-tendus par des modes de socialisation valorisant l’engagement de soi – « corps et âme » - au travers de l’auto-discipline et la passion (en son usage commun, référant à son intensité, mais également souvent son exclusivité). Pourtant, les premiers résulats de notre étude donnent à voir que les formes d’engagement sont diversifiées et les trajectoires de pratiques et professionnelles de yoga ne sont pas homogènes.
En Suisse, la profession d’enseignant.e de yoga est peu réglementée et les statuts très divers. Dans ces conditions, se donnent à voir des bricolages de carrière : entre des activités d’enseignement de yoga à temps partiel complétées par d’autres activités professionnelles, ou des formes d’engagement qui allient cours rémunérés et activités bénévoles, avec une forte porosité entre les univers personnels et professionels, ou encore des enseignant.e.s qui parviennent à vivre de cette seule activité ou bifurquer avec succès vers cette nouvelle voie professionnelle.
Dans cette présentation, nous montrerons comment cette « passion » du yoga s’articule aux univers familiaux, relationnels et professionnels des pratiquant.e.s et enseignant.e.s appréhendé.e.s en tant qu’acteurs et actrices multi-situé.e.s et multi-socialisé.e.s (Lahire). Plus spécifiquement, nous nous intéresserons à mettre en lumière les processus du devenir passionné.e (ou pas) et du devenir enseignant.e.s.
Nous verrons dans quelle mesure les formes d’engagement légitimées par la « passion », les possibilités concrètes de s’engager et les formes des trajectoires professionnelles de yoga peuvent se comprendre à la lumière des trajectoires biographiques.
La communication s’appuie sur un projet de thèse s’intéressant au développement professionnel des enseignants, afin de rendre leur activité efficiente et de leur permettre de connaître la sérénité au travail. La recherche souhaite vérifier si le collectif serait un moyen d’enrichissement professionnel et humain, afin de vivre bien le travail ou de le vivre avec sérénité. Subjectivités et situations d’enseignement étant liées, force est de constater que les émotions peuvent empêcher d’agir ou faire agir, qu’elles peuvent être au service du développement professionnel. Après avoir abordé différentes causes de souffrances au travail, chez les enseignants, la recherche propose de circonscrire le malaise au travail grâce au collectif et à une réflexion plus appuyée de la prise en compte des émotions et de leur rôle dans l’enseignement. A la fois ressource pédagogique et didactique, le collectif se veut aussi un moment de pratique réflexive. Lors de ces rencontres de travail, les membres du collectif dévoilent leur activité et se dévoilent, ce qui nécessite des compétences sociales, cognitives et d’écoute. A travers des entretiens semi-dirigés ainsi que des entretiens d’autoconfrontation simple et croisée destinés à analyser la pratique, il s’agit d’investiguer des processus mentaux dont les enseignants n’auraient pas conscience et qui resteraient insoupçonnés autrement. L’identification de ces processus serait alors source de transformation du rapport au travail.
Président : Patrick FARGES, Université de Paris
Discutant : Federico TARRAGONI, Université de Paris
Juriste, historien, sociologue et théologien protestant, Jacques Ellul (1912-1994) est l’un des penseurs majeurs de la société technicienne. Marginalisé au cours de sa carrière universitaire, son œuvre connaît aujourd’hui une nouvelle actualité grâce à la réédition de ses livres et à la reprise de ses idées par un certain nombre de chercheurs et de militants.
L’objet de ma communication est de contribuer à ce renouveau de la pensée ellulienne, en insistant sur la partie sociologique et historique de son œuvre. Pour se faire, je souhaite mettre en évidence qu’il est possible de la relire fructueusement à l’aune du concept de passion. Plus précisément, la question de la « passion technicienne » traverse la plupart de ses ouvrages majeurs, sachant que l’on peut simplement la définir ainsi : « tout ce qui peut être fait doit être fait ». Elle est la passion dominante, « nécessaire », de la modernité bourgeoise, celle qui pousse à déployer sans cesse des nouvelles techniques pour dominer et exploiter la nature, ainsi qu’à constituer des vastes organisations bureaucratiques publiques comme privées – l’État en tête – pour réguler le social et l’administrer comme une « chose ».
La tragédie étant que, selon Ellul, ce projet multi-séculaire mené au nom de l’idéal du bonheur ne débouche que sur la production d’un monde synthétique et dévitalisé, insupportable pour l’homme ordinaire. Pour compenser, celui-ci s’aliène alors davantage dans diverses passions éphémères et illusoires : les loisirs de masse comme le sport ou le divertissement médiatique, mais, surtout, la politique. Celle-ci comprenant pour Ellul autant le jeu électoral des partis officiels que les actions subversives mais vaines des groupuscules « révolutionnaires ».
Le citoyen des sociétés techniciennes contemporaines est ainsi piégé entre le Nécessaire et l’Éphémère, entre des passions obligatoires et des passions illusoires. Malgré son pessimisme bien connu, Ellul entrevoyait tout de même la possibilité de briser cette dialectique.
Les jeunes ne peuvent pas changer leur passé, mais l’avenir - lui - leur appartient. Madagascar, autrefois réputé comme étant l’île verte, est devenu maintenant une île rouge à cause de la destruction de son environnement, perpétrée par ses habitants. Conscients de ce problème, des jeunes étudiants des universités de Madagascar ont créé des clubs vintsy, et formé ensuite l’Unis vers vintsy, une fédération de jeunes qui s’engage à protéger l’environnement par divers moyens comme le reboisement, la sensibilisation ou encore les descentes dans les écoles et communautés locales. Pour étudier les sources de motivation de ces jeunes, il s’avère bénéfique de procéder à l’approche écosystémique, c’est-à-dire à l’analyse des interactions et interdépendances des éléments, naturels et socioculturels, qui constituent l’environnement. L’objectif est de mieux cerner les différents facteurs qui incitent les jeunes à lutter pour cette cause tout en analysant leur motivation personnelle. Si l’on se réfère en effet à la dynamique sociale malagasy ayant engendré la dégradation de l’écosystème de la Grande île, force est de constater que les pratiques ancestrales qui ne s’adaptent plus à la réalité contemporaine, notamment l’explosion démographique de ces dernières années (12.239.000 habitants en 1993, puis 25.674.196 habitants en 2018) y ont pour quelque-chose. Ainsi, repenser à l’engagement et à la passion de cette nouvelle génération pour son habitat naturel, c’est dégager une perspective quant à l’atteinte ou non des objectifs de développement durable à l’horizon 2030, notamment les numéros 2, 6, 12, 13, 14 et 15.
Contextualisation
A l’aune de la modernité, les contours des engagements écologiques juvéniles se sont redessinés (Ion, 1997 ; Pleyers, 2016a et 2016b). Ce nouveau contexte participe à une modification des pratiques militantes autant dans ses formes, que dans ses expressions ou que dans ses contenus (Bobineau, 2010). Les jeunes engagés en faveur de l’écologie se retrouvent alors dans des situations d’expérimentation, devenues des processus de construction identitaire propre à une génération et synonymes d’une époque (Galland, 2011). La subjectivité et l’affect de ces acteurs luttant en faveur de l’environnement vont être deux éléments centraux dans leur rapport à l’engagement (Pleyers et Glasius, 2013).
A cela, l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TICs) a permis aux nouveaux mouvements sociaux de créer de nombreux espaces numériques, interconnectés et interdépendants avec les espaces hors ligne (Granjon, 2017).
Ces espaces hybrides aux frontières étroites, sont traversés et investis émotionnellement par les jeunes militants d’une manière singulière, en fonction de la visibilité qu’ils induisent. En effet, différentes stratégies sont mises en place par ces jeunes selon le public devant lequel ils imaginent s’exposer (Jenkins et boyd, 2015 ; Cardon, 2019).
Ainsi, ces stratégies de mise en visibilité de soi viennent révéler une tension que nous souhaitons mettre à jour dans cette communication : malgré l’investissement, parfois intense, des jeunes dans leurs actions en faveur de l’environnement, il s’avère que des freins à leur engagement existent et persistent. Les croyances ainsi que les passions des jeunes défenseurs du climat viennent alors se heurter aux injonctions de visibilités contemporaines (Aubert et Haroche, 2011 ; Lachance, Leroux et Limaire, 2017). L’expérience de l’engagement écologique s’inscrit donc dans un débat plus large à cette période de la vie : celui de l’affirmation de son identité dans le contexte hypermoderne (Galland, 2011 ; Giddens, 1994).
Méthodologie
Cette présentation est l’un des résultats du projet de recherche ECOTIC en cours de réalisation, sur le rapport à l’engagement écologique des jeunes. Les objectifs de cette recherche sont multiples, mais ils convergent principalement vers l’acquisition d’une connaissance plus fine des pratiques juvéniles engagées ainsi que le rôle joué par les TICs, en s’intéressant notamment au rapport des jeunes à l’écologie. Notre échantillon est composé, d’une part, de jeunes engagés collectivement dans des structures, et d’autre part, de jeunes ayant des pratiques individuelles en faveur de l’écologie. D’un côté, nous avons cherché des répondants qui agissent à travers des actions portées par des associations, qui se rendent dans des manifestations et de l’autre, des jeunes aux pratiques plus isolées ayant la volonté de changer de modes de consommation ou de moyens de transport par exemple. Un tel choix méthodologique s’explique par les résultats de Pleyers (2010), qui proposent de comprendre l’engagement écologique juvénile contemporain comme plus individualisé et privatisé qu’auparavant. Selon lui, les modalités d’engagement sont changeantes, c’est-à-dire qu’elles prennent des formes d’expressions moins traditionnelles, parfois moins collectives, plus discrètes, ce qui oblige le chercheur à élargir son champ d’analyse (Ibid.). Cependant, une condition de participation à notre enquête était que les jeunes interviewés devaient se définir eux-mêmes comme étant engagés.
Lors de ce terrain, 62 entretiens semi-directifs ont été réalisés. Nous avons interviewé 32 jeunes ayant entre 14 et 17 ans et 30 autres ayant entre 18 et 25 ans. Parmi nos répondants, nous comptons 30 garçons et 32 filles. Environ la moitié d’entre eux a affirmé faire partie d’associations ou de structures engagées en faveur de l’écologie. Les entretiens se sont déroulés en face-à-face ou par appel téléphonique, levant ainsi la difficulté de la distance géographique entre le chercheur et le répondant . Tous les jeunes ont été entendus une fois pour une durée qui a pu varier entre 40 minutes et 1h30. Notre protocole était divisé en deux parties : la première regroupait des questions à propos des critères de définition de l’engagement écologique et la seconde des questions sur la réception, la diffusion ainsi que la production de contenus en ligne défendant l’environnement, afin de mieux comprendre le rôle des informations en ligne dans leur engagement.
Nous avons d’abord opté pour une analyse inspirée des travaux de Glaser et Strauss (1967), respectant les étapes de la codification, de la catégorisation puis de la mise en relation. Après ce premier travail, un retour sur nos terrains nous a amené à une seconde lecture de nos entretiens, avec cette fois-ci l’objectif de faire ressortir de nouvelles relations entre les catégories exprimées dans les entretiens.
Résultats
Les principaux résultats que nous aimerions présenter sont les suivants :
Même si les passions et les croyances investies dans la défense de l’environnement sont partagées dans certaines communautés de jeunes, elles n’en sont pas moins discréditées et stigmatisées par une partie de leurs pairs. Interroger l’exposition de son engagement à travers ce prisme vient nous indiquer un certain rapport entretenu par les jeunes dans la gestion de leur visibilité lors de cette expérience subjectivante.
Bibliographie
AUBERT Nicole et HAROCHE Claudine (dir.), Les tyrannies de la visibilité. Etre visible pour exister ?, Toulouse, Eres, 2011, 355p.
BOBINEAU Olivier, Les formes élémentaires de l’engagement. Une anthropologie du sens, Paris : Temps Présent, 2010, 166p.
CARDON Dominique, Culture numérique, Paris, Presses de Science Politique, 2019, 432p.
GALLAND Olivier, Sociologie de la jeunesse, Paris, Armand Colin, 2011 [1997], 256 p.
GLASER Barney et STRAUSS Anselm, The Discovery of Grounded Theory : Strategies for Qualitative Research, Oxford, Aldine Transaction, 1967, 271p.
GIDDENS Anthony, Les conséquences de la modernité, Paris, L’Harmattan, 1994, 192p.
GRANJON Fabien, Mobilisations numériques, Paris, Presses des MINES, 2017, 212p.
ION Jacques, La fin des militants ?, Paris, L’Atelier, 1997, 124p.
JENKINS Henry, ITO Mizuko, boyd danah, Participatory Culture in a Networked Era: A Conversation on Youth, Learning, Commerce, and Politics, Cambridge, Polity Press, 2015, 160p.
LACHANCE Jocelyn, LEROUX Yann et LIMAIRE Sophie, Selfie d’ados, Presses de l’Université de Laval, 2017, 181p.
PLEYERS Geoffrey et CAPITAINE Brieg (dir.), Mouvement sociaux. Quand le sujet devient acteur, Paris, Maison des sciences de l’homme, 2016a, 280p.
PLEYERS Geoffroy et CAPITAINE Brieg, « Alteractivisme : comprendre l’engagement des jeunes », Agora débats/Jeunesses, vol. 2, n°73, 2016b, p. 49-59.
PLEYERS Geoffrey et GLASIUS Marlies, « La résonnance des « mouvements des places » : connexions, émotions, valeurs », Socio, n°2, 2013, p. 59-80.
PLEYERS, Geoffrey. Alter-Globalization: Becoming Actors in the Global Age. Polity, Cambridge, 2010, 316p.
Il s'agit d'une approche critique de la mobilisation des émotions dans la production, l'échange et la consommation à travers les différentes phases du développement capitaliste.
Présidente : Marie-Anne DUJARIER, Université de Paris
Discutant : Christophe LEJEUNE, Université de Liège
La maîtrise et l'habileté dans l'utilisation d'outils technologiques sont des compétences souvent encouragées et valorisées socialement, mais par ailleurs, une utilisation excessive de ces derniers peut encore être jugée négativement. À partir d’une enquête qualitative par des entretiens semi-directifs auprès des 15 individus âgés de 71 ans à 81 ans qui maîtrisent des objets technologiques divers et qui déclarent être des « accros », nous nous interrogeons sur la signification individuelle et sociale de l’usage dit excessif de nouvelles technologies.
Tout d’abord, la question est de savoir quels sont les facteurs qui amènent les gens à se considérer eux-mêmes comme dépendants et de déterminer à partir de quel moment leur entourage estime qu'ils entrent dans une relation qui devient néfaste. Afin de mieux comprendre cette perception, nous tenterons de répondre aux questions suivantes : à partir de quand estiment-ils qu’ils ont dépassé le seuil ? Quelle est leur échelle de perception ? Comment déterminent-ils ce seuil de dépendance ? Quels sont les arguments qui leur permettent de justifier ces usages comme des modes de vie ou des habitudes non-problématiques ?
Dans ce discours autour de la dépendance chez les enquêtés, il est intéressant de remarquer qu’ils mesurent très souvent leurs usages en comparaison avec ceux des adolescents ou des jeunes en exprimant des critiques plus sévères envers eux, alors qu'ils sont bien conscients de leurs propres problèmes vis-à-vis des technologies. De plus, l’usage excessif pour les seniors est souvent considéré comme une compétence plutôt qu’un problème et les enquêtés ont clairement montré le sentiment d’être mieux que les autres seniors qui sont non-pratiquants car ils ont surmonté le stéréotype d'une vieillesse technophobe. Cela montre bien que la notion de dépendance est une construction sociale par la perception normée des usagers eux-mêmes, la perception de l’entourage et de la société.
Dans les sociétés industrialisées modernes, l’accélération du changement induit des transformations structurelles. La révolution industrielle et médiatique a ébranlé les concepts sociologiques, cette nouvelle forme d’existence a fait naître plusieurs théories expliquant les conséquences de ce nouveau vivre ensemble pour l’homme. L’interactionnisme de Simmel, le capital culturel de Bourdieu et l’industrie culturelle de l’école de Frankfurt ont essayé de cerner cette mutation sociale en interaction avec les médias, qui a cette époque, se résumaient à la Télé, la radio et la presse papier. Quelques décennies plus tard, on assistera à l’avènement du Web, une révolution pour les TIC qui a chamboulé les modes de vie puisqu’elle s’invitera chez les gens et son usage évoluera d’un usage professionnel, à un usage familial et par la suite à un usage personnel et privé.
La sociologie a toujours considéré le numérique comme l’apanage de la sociologie des techniques d’information et de communication négligeant pendant longtemps son impact sur la dynamique des liens sociaux qui se sont trouvés embarqués dans une perpétuelle redéfinition. Plus tard la sociologie anglo-saxonne et francophone enquêtera sur les processus de domestication des technologies au sein des domiciles des particuliers et sur la sociologie des réseaux sociaux. La spécificité de cette culture numérique réside dans sa dématérialisation et la spécificité de son interaction, ce qui engage le lien social dans une spirale dynamique et mutante. Pour George H. Mead, tout individu ne peut se reconnaitre une identité qu’on adoptant essentiellement le point de vue des autres, à savoir celui de son groupe social mais aussi celui des autres groupes, puisque le soi est surtout une structure culturelle et sociale .
Les pratiques « augmentés » du web ainsi que de ses nouvelles dimensions ouvrent la porte à de nombreux questionnements en rapport avec le lien social et culturel, que ça soit en terme d’exclusion ou de communautarisme. Cette invasion du monde réel par celle du monde virtuel, demande à être repensée pour une meilleure compréhension de ses nouvelles acceptions :
« On n’est un Soi qu'au milieu d’autres Soi. Un Soi ne peut jamais être décrit sans référence à ceux qui l'entourent »
Dans le sens traditionnel, une communauté se base essentiellement sur un ancrage territorial géographique mais avec l’avènement du numérique, ce qui fait lien c’est d’abord le partage d’intérêt commun, de valeurs, de croyances communes ou d’appartenance culturelle. L’identification joue alors un rôle primordial dans ce processus, elle ne se limite pas aux groupes d’appartenance mais aussi aux groupes de référence dans lesquels le sujet puise ses modèles, elle intègre en plus de la position de l’individu définie par son histoire et son statut social, ses anticipations et ses aspirations. Il convient donc de s’interroger sur l’altération du « je » et du « nous » face à la culture numérique. En effet, la communication de groupe médiatisée par l’outil informatique est un espace social et symbolique dans lequel les intervenants peuvent développer un sentiment d’appartenance au groupe et construire une identité collective. Ces espaces d’échanges sont organisés sous une structure sociale à savoir, des codes de conduites, des règles et des normes et un contrôle par le pouvoir de la sanction et de l’exclusion :
« Le terme d’individu, ai-je dit, ne semble plus de mise. En tout cas dans son sens strict. Peut-être faudrait-il parler, pour la postmodernité d’une personne (« persona ») jouant des rôles divers au sein des tribus auxquelles elle adhère. L’identité se fragilise. Les identifications multiples, par contre, se multiplient. »
Les liens sociaux qui étaient des relations authentiques entre individus qui se connaissent et qui peuvent se rencontrer, seront remplacés par un lien numérique virtuel ou une cyber relation. Des débats opposeront ceux qui qualifient le numérique d’un espace d’atomisation du lien social, contre ceux qui attestent de son pouvoir amplificateur des relations interpersonnels.
L’ère de la suprématie de l’institution familiale comme noyau majeur de l’éducation, de la culture, est troquée par l’influence d’une culture plus générationnelle
« La compréhension herméneutique doit employer des catégories inévitablement générales pour saisir un sens inaliénablement individuel »
La cyberculture démocratisée, semble représenter un référentiel pour la jeunesse. En effet, observer ces nouvelles pratiques culturelles comme un fait social créateur d’une nouvelle forme du lien social est la première démarche à entretenir grâce à des études quantitatives pour les recensements qualitatives et qualitatives pour les interprétations et les analyses.
La série extraordinaire de sanguines de Fragonard depuis la Villa d’Este à Tivoli a été considérée comme l’une de plus belles jamais réalisées. Marquant un moment décisif dans la carrière du jeune artiste, ces œuvres ne sont cependant pas simplement impressionnantes par leur qualité mais elles proposent une toute nouvelle approche du médium. On peut dire qu’elles ont inauguré le concept et la pratique modernes du dessin dans la France du XVIIIe siècle. En se concentrant sur les circonstances dans lesquelles elles ont été réalisées et sur leurs aspects visuels, techniques et matériels spécifiques, la conférence examinera les façons dont les feuilles remarquables de Fragonard nous invitent à repenser le dessin comme un acte fondamentalement social. Quel était le rôle du plaisir dans un tel acte ? À qui cela faisait plaisir ? Et quelle en était la finalité ? Telles sont quelques-unes des questions que la conférence abordera.
Présidente : Laurence SIMMAT-DURAND, Université de Paris
Discutant : Jean-Louis GENARD, Université libre de Bruxelles
De la préhistoire à notre ère, bien des passions ont animé les actions : des hommes de caverne à nos contemporains, du tâcheron à l'astronaute, passant par le grand leader politique. Au commencement il y a la passion, condition sine qua non de tout engagement. La passion qu'on peut définir en de termes très simples comme étant cet enthousiasme (envers des valeurs, des activités, des personnes physiques ou morales…) qui domine notre état mental. Mais comment l'individu, en tant qu’acteur social, a-t-il acquis ses passions ? Comment les manifeste-t-il au sein de sa communauté ? Quels sont les obstacles pouvant les refréner ? Comment incite-t-il les autres à partager ses passions ? Dans le cas des citoyens engagés par exemple, ces derniers agissent au nom de valeurs telles l'équité, le respect, la justice, la démocratie, la solidarité (et bien d’autres encore). Ils s'investissent et participent à la vie de la cité en se regroupant, en essayant d'influencer les décisions politiques, en se présentant aux élections, etc. Leurs passions, qui peuvent être des héritages culturels, cultuels ou éphémères (etc.) sont traduites par des actions, actions qui se veulent être les représentations les plus fidèles de leurs valeurs intrinsèques. Toutefois, est-ce qu’on peut se fier à cette expression ? En réalité, la véritable passion motivant un engagement dans la lutte pour la transparence des deniers publics pourrait être la soif d'équité ou le besoin de rétablir une situation de non-droit, tout comme cela pourrait être l'aspiration au pouvoir, au gain, etc. Un discours peut donc exprimer les intentions réelles tout comme il peut masquer des passions inavouées. C'est ainsi qu'au milieu du tourbillon de la vie politique, les passions les plus faibles se trouvent englouties ou balayées par d’autres, plus tendances, plus écrasantes, plus éloquentes... D'autre part, certaines passions sont condamnées au silence par la force, le manque de finances ou l’usure...
Antananarivo est la capitale de Madagascar depuis la colonisation française. A l’époque en 1960, la ville des milles a été prévue pour accueillir un million d’habitants. A ce jour au dernier recensement de la population et de l’habitat (RGPH3) en 2018, la population tananarivienne avoisine le triple avec 3 millions d’habitants. Ceci démontre une surpopulation qui sature la ville et crée des passions et des tensions sociales autour de la cohabitation. Le foncier ne suit pas l’évolution démographique et devient par conséquent centre de polémique et de litige au niveau de la société, les violences autours des terrains deviennent quotidiennes pour la population tananarivienne. Le pouvoir public est affaibli devant les constructions illicites et les bidonvilles qui envahissent la ville. Des solutions d’extension naturelle commencent à prendre forme sous le projet « Grand Tana » qui regroupe les communes périphériques environnantes vers les routes nationales RN1, RN2, RN3, RN4, RN7, comme Alasora, Ambohimanga kely, ivato, mais ceci est loin de tempérer la situation. Bien au contraire parce que ses habitants des périphéries rejoignent la ville chaque jour pour vaquer à leurs occupations quotidiennes comme pour aller au travail, étudier ou encore rejoindre les zones administratives et industrielles en ville qui créent des embouteillages. La pauvreté et la migration de la population rurale vers la ville donne naissance au phénomène de squat pour la population marginale. Les malgaches ont un attachement particulier à la terre de ses ancêtres qui représente un patrimoine familial et qui se transmet de génération en génération. Cette culture sociologique de la terre engendre bien des passions et des engagements au cœur de la société malgache. Pour illustration, le projet présidentiel de Andry Nirina Rajoelina « Tana-masoandro » qui a pour objectif la création d’une nouvelle ville sur la plaine d’Ambohitrimanjaka rencontre des difficultés dans sa mise en œuvre cette année 2019.
Le couple constitue un des lieux majeurs de manifestation de la passion amoureuse, particulièrement depuis l’avènement de l’amour romantique au XIXe siècle. Depuis les années 1960 en Europe de l’Ouest, la multiplication du nombre de partenaires et la montée du divorce réinterrogent pourtant les liens entre passion et engagement. Malgré la plus grande instabilité conjugale (RAULT, RÉGNIER-LOILIER, 2015), les jeunes européens continuent d’être fortement attachés aux engagements, à la vie de couple et la construction d’une famille. De la « passion du mariage » (MAILLOCHON, 2016) à celle de l’enfant (DÉCHAUX, 2014), quel sens les jeunes prêtent-ils à l’engagement dans le couple ?
Cette communication aborde la question de l’engagement conjugal en France et en Italie, deux pays dans lesquels le passage à l’âge adulte s’opère différemment (CAVALLI, CICCHELLI, GALLAND, 2009). Grâce à une enquête quantitative de panel (Generations and Gender Survey, 2005), nous constaterons d’abord la diversité des trajectoires conjugales des jeunes de 18 à 35 ans et des « temps de l’engagement ». Nous montrerons ensuite que l’engagement dans la vie de couple est indissociable des normes d’âges qui pèsent sur les choix des jeunes. La perception d’un « âge idéal » pour se marier, vivre sous le même toit que son partenaire ou avoir des enfants sera traitée avec une enquête quantitative (European Social Survey, 2018). Enfin, nous analyserons les premiers résultats du traitement de 300 entretiens semi-directifs auprès des jeunes Italiens sur le désir d’enfant et les projets de couple (entretiens réalisés dans le cadre du projet européen REPRO en 2006). Cette analyse fait apparaître des différences considérables entre les jeunes, notamment en fonction du genre, de lieu de résidence, du milieu social et de l’histoire familiale.
L’usage complémentaire de ces matériaux permet d’approcher l’engagement des jeunes Français et Italiens, afin de « s’infiltrer dans les plis profonds de la trame conjugale » (KAUFMANN, 1992). L’analyse des trajectoires biographiques, des projets des couples et des représentations permettront de révéler les rapports sociaux qui se jouent au cours de cette période clé de la jeunesse, entre passion et engagement.
CAVALLI, A. (dir.), 2008, Deux pays, deux jeunesses ? la condition juvénile en France et en Italie, Rennes, PUR (Le sens social), 273 p.
DÉCHAUX J.-H., 2014, « Le sacre de l’enfant. Regards sur une passion contemporaine », Revue francaise de sociologie, Vol. 55, 3, p. 537‑561.
KAUFMANN, 1992, La Trame conjugale. Analyse du couple par son linge, Paris, Nathan, 216 p.
MAILLOCHON F., 2016, La passion du mariage, 1re édition, Paris, PUF (Le lien social), 378 p.
RAULT W., RÉGNIER-LOILIER A., 2015, « La première vie en couple : évolutions récentes », Population Societes, N° 521, 4, p. 1‑4.
Président : Patrick FARGES, Université de Paris
Discutante : Nathalie BURNAY, Université de Namur
‘’« l’homme social surveille l’homme passioné » et « les passions sont moints présentes dans l’espace repéré par les sociologues » deux formules de Halbwachs et Fourier m’ont poussé de questionner la passion et l’engagement des chercheurs en sociologie envers leurs objets de recherche. ‘’
Les études en sciences sociales est plus précisement en sociologie nécessitent une analyse scientifique profonde aux faits sociaux.L’objectif est de traiter un fait social et de l’expliquer en fonction des relations et des transformations sociales produite au terrain d’étude.
Alors les élèments essentiels pour garantir une recherche scientifique correcte sont : un chercheur, l’objet de recherche avec une problématique centrale biensur et un terrain d’investigation.
Loin des discours –tendances : d’objectivation/objectivité, reflexivité et distantiation vis-à-vis au sujet étudié. Cette communication à pour objectif de discuter la passion du chercheur et son engagement envers l’objet d’étude.
Choisir un fait social, pour un chercheur peut être personnel ou sous exigences professionnelles.c’est à dire, si le chercheur est passionné par une sous discipline de sociologie, ( exemple sociologie rurale) et essaye de chercher , traiter, anlyser, et réflechir scientifique aux problématiques liées à ce domaine et surtout de consacrer sa carrière juste pour expliquer les dynamique et de donner des solutions soit pour améliorer ou de stopper des comportements sociaux d’un ensemble de personnes. Dans ce cas on est devant une « passion » de chercheur de sélctionner les objets de recherche sans divier vers d’autres sous disciplines.
Ou bien un chercheur passionné par la diversité, qui lie le savoir faire sociologique par la multiplitité des thématiques traitées. La aussi c’est une « passion » de point de vue edifférent.
En fonction de la passion du chercheur, nait l’engagement, autrement dis, et après un contrat moral du chercheur traduit en phrase suivante : « je m’engage à faire cette étude », par la suite ce chercheur pose une autoquestion : à quel point je m’engage dans une étude? Est-ce l’envirenement de l’étude me permets un engagement total ou peut être relative ? qu’il est l’impact du mot « engager » sur l’étude, et est ce l’egagement est mesurable ou reste en fonction de satisfactions de chaque chercheur des resultast obtenus?.
Le « Létagonins » est un concept socialement construit pour désigner la femme « battante » en vue de s’affranchir de la domination masculine. Il évoque celle qui a pour leitmotive, une réalisation de soi par le travail. C’est d’ailleurs à juste titre que ce concept signifie dans une des langues locales ivoirienne, notamment le gouro : femme garçon. Ce sont des femmes qui manifestent une profonde passion pour la commercialisation des produits vivriers à Abidjan. Elles les transportent depuis des contrées villageoises, des plus reculées à travers leur appartenance à des groupements associatives bien structurés. Elles sont parvenues à travers cette passion autour de l’activité à faire de la Cote d’Ivoire, un pays autosuffisant en denrées alimentaires en Afrique de l’ouest. Cette passion les a emmené à se substituer aux collectivités territoriales et à créer des marchés privés, dénommés « marché gouro ». Le monopole et le leadership féminin créées autour de leur gestion force le respect, l’estime et l’admiration à leur égard. Cependant, derrière cette passion du vivrier se cache un engagement de ces femmes dans les dépenses funéraires ; une activité culturelle coutumièrement dévolue à la filiation agnatique. Cet engagement les poussent parfois à transgresser les normes locales afin de s’y créer un espace de visibilité. La transgression de la coutume par ces femmes sous le prisme de leur positionnement social est la manifestation symbolique de la déstandardisation des rapports homme femme dans l’organisation des funérailles en pays gouro, dans le centre ouest ivoirien. La compréhension de cette déstandardisation du genre a attisé notre passion en tant que chercheure. De fait avons-nous mobilisé l’ethnographie comme méthode d’observation des pratiques funéraires de ces femmes. Sous ce rapport, l’étude retrace les stratégies de négociation de l’accès au terrain ainsi que celles misent en œuvre pour négocier l’accès aux informations.
Président : Patrick FARGES, Université de Paris
Discutante : Nathalie BURNAY, Université de Namur
À l'heure où les injonctions au bonheur et à l'épanouissement personnel s'étendent jusque dans la sphère professionnelle, certains emplois au sein des cadres et professions intellectuelles supérieures se voient attribuer l'étiquette de “bullshit jobs” (Graeber, 2018). En cause : leur inutilité supposée, dans un contexte où la perte de sens au travail tend à être envisagée dans un registre pathologique (le brown-out s'ajoutant au burn-out et au bore-out). En parallèle, des cas de reconversions atypiques, notamment dans l'artisanat, ont été de plus en plus mis en lumière dans la sphère médiatique, tandis que des essais louant les vertus du travail artisanal (Crawford, 2010 ; Sennett, 2010 ; Lochmann, 2019) alimentaient sa requalification symbolique. Dans ce contexte, la notion de “sens du travail” est très souvent mobilisée, sans qu'il soit pour autant facile d'identifier précisément ce qu'elle recouvre, dans quelles conditions elle s'applique, et à quels métiers.
S'appuyant sur des entretiens menés auprès de travailleurs qualifiés (bac+5) reconvertis dans l'artisanat de bouche et du bâtiment, cette communication visera à souligner en quoi de telles reconversions artisanales, régulièrement présentées comme motivées par une quête de "sens" et d'épanouissement personnel, est moins liée à des caractéristiques objectives des métiers d'arrivée qu'à la position sociale, le rapport au travail, les valeurs, dispositions et ressources des reconvertis. L'engagement dans le nouveau métier s'appuie alors sur des registres où les émotions (et notamment du plaisir à travailler) et la passion pour son travail (qui doit être épanouissant et pas simplement un moyen d'obtenir un revenu) sont structurantes. Il s'agit ainsi d'interroger les affects, constitutifs de la vérité subjective du travail des reconvertis, pour comprendre comment ces travailleurs des classes moyennes-supérieures s'approprient un métier artisanal et valorisent leur activité professionnelle.
Cette recherche vise à expliquer les nouvelles formes et significations que la passion artistique a prises avec le processus de restructuration néolibérale dans le domaine de l'art contemporain à Istanbul. Comme l'a montré Wendy Brown, le néolibéralisme signifie la transformation continue de la vie et du travail en capital humain, il est inévitable qu'il affectera les acteurs de l'art ainsi que les conditions artistiques. Dans l’organisation de production postfordiste, l'art a commencé à être définie comme un processus de travail, généralement associé à des concepts tels que production / projet. La création artistique, d'une part, se rapproche d'autres processus de production; d’autre part, les processus de travail postfordiste adoptent les valeurs de flexibilité, de mobilité, de créativité, d’engagement et de passion que les artistes ont porté dans le processus historique. Quel genre de lien existe entre la passion artistique et la passion au travail qui est mise en avant en régime postfordiste? Que signifie la passion artistique pour les artistes contemporaines? Dans cette recherche, nous soutenons que pour les artistes dans le domaine de l’art contemporain, la passion se transforme en engagement envers soi-même en devenant leur propre « entrepreneur » en tant qu’un instrument de la gouvernance néolibérale en termes Foucaldiens. Dans ce contexte, cette recherche montrera comment une technique de gestion rationnelle se rapporte aux émotions à l'ère néolibérale. Nous allons mener la recherche exploratoire en utilisant la méthode d'entretien semi-structuré en profondeur avec les artistes du domaine de l'art contemporain d'Istanbul.
Présidente : Laurence SIMMAT-DURAND, Université de Paris
Discutante : Françoise LEBORGNE-UGUEN, Université de Bretagne Occidentale
Les enjeux de l'application effective du Code d'Ethique et de Déontologie dans la Fonction Publique Malagasy
Dans un Pays en Voie de Développement, comme Madagascar, l’Administration Publique est un élément important pour concrétiser le développement de la Nation et la fonction publique tient une place primordiale dans la société malagasy : Devenir fonctionnaire constitue un rêve, une passion des jeunes diplômés malagasy.
A cet égard, étant conscient et convaincu que la bonne moralisation de l’Administration fait partie du socle du développement du Pays, le Gouvernement Malagasy s’est engagé à renforcer le « principe de la Bonne Gouvernance et de l’Etat de Droit » par l’instauration de l’éthique et de la déontologie de la fonction publique. Ce processus a été concrétisé par la mise en œuvre d’un Code de Déontologie de l’Administration et de la bonne conduite des Agents de l’Etat, résumé par le Décret n°2003-1158 du 17 décembre 2003. En tant qu’outil de réforme de la fonction publique, l’objectif est de favoriser la performance de l’Administration, de manière à ce qu’elle soit au service de développement.
Malgré tout, la situation constatée relève toujours un déficit constant en matière d’éthique et de déontologie, de transparence et de prise de responsabilité de la part des agents de l’Etat. Plusieurs difficultés entravent encore l’effectivité, la pertinence et l’efficacité de l’application dudit Code.
Dans cet aspect, la prise en compte de l’éducation citoyenne s’avère fondamentale pour optimiser le résultat à long terme et de pérenniser la promotion de l’éthique et de la déontologie dans la Fonction Publique Malagasy. En définitive, la pertinence des actions en matière d’éthique professionnelle peut conduire la logique objective (engagement fort et continu du Gouvernement basé sur l’ordre, obéissance et sanctions) vers la logique subjective (fondé sur l’autonomie, la conscience professionnelle et la responsabilité) ; et dont ces retombés changeraient le système de motivation de l’Agent de l’Etat.
Notre communication propose d’amorcer une discussion autour d’un des déterminants de l’expérience émotionnelle des enseignants : l’engagement professionnel. Celui-ci peut se définir comme « l’ensemble dynamique des comportements qui, dans un contexte donné, manifeste l’attachement à la profession, les efforts consentis pour elle ainsi que le sentiment du devoir vis à vis d’elle et qui donne sens à la vie professionnelle au point de marquer l’identité professionnelle et personnelle. » (De Ketele, 2013, page 9). L’engagement professionnel, en lien avec les représentations subjectives et l’identité professionnel (Becker & Carper, 1956), est en effet un élément central orientant significativement l’expérience émotionnelle du moment de classe des enseignants. Nos recherches précédentes, s’appuyant sur une vingtaines d’entretiens compréhensifs, nous permettent de mettre en lumière deux catégories d’enseignant, dont les discours et expériences ordinaires varient fortement en fonction de leur engagement professionnel. Certains enseignants ont un engagement professionnel « statutaire » : ils adoptent les orientations, les comportements, le système de normes et valeurs, les dispositions inhérents à ce métier, qu’ils se représentent à travers les notions de « fonctionnaire » et de « rôle professionnel ». Cet engagement professionnel au travers du statut entraine une orientation bien spécifique de l’expérience émotionnelle enseignante : un détachement par rapport aux émotions. D’autres, ont un engagement professionnel beaucoup plus « singulier » (Martuccelli, 2010) : l’individu va intégrer des éléments de sa subjectivité, de son propre monde, à la définition et à la construction de son identification professionnelle. Cet engagement professionnel au travers de sa singularité, entraine une orientation bien spécifique de l’expérience émotionnelle enseignante : une considération des émotions. Mais dans un processus inverse, les émotions « faisant agir » les individus, elles ont également une influence sur l’engagement professionnel enseignant. C’est de cette dialectique que nous espérons pouvoir discuter avec les différents participants.
En m’appuyant sur les résultats d’une recherche doctorale en cours au sein d’un milieu d’accueil agréé par l’Office de la naissance et de l’enfance, je propose de questionner la façon dont aujourd’hui il est attendu que l’on traite nos passions : comment des professionnels de l’enfance se sentent aujourd’hui légitimes (ou non), dans un contexte où le style de passion est noué à la promotion d'un comportement faisant preuve d’autonomie (Ehrenberg, 2012), d’intervenir au nom de ce qu’ils considèrent être « l’intérêt de l’enfant » ? Par passion, j’entends « ce qui est subi par quelqu'un » ; soit, toute difficulté qu’il rencontre dans sa vie.
A partir d’une situation rencontrée par l’équipe concernant une enfant dont ils craignaient que ses intérêts ne soient bafoués par ses parents, je montrerai comment nous pouvons comprendre la manière dont ils s’y prennent pour intervenir auprès de leur public. Nous verrons qu’ils le font en se posant principalement deux questions : à qui a-t-on affaire et comment intervenir? Par-là j’espère montrer également en quoi pour comprendre la manière dont des professionnels accomplissent leur mandat, on gagnerait à s’orienter dans la voie ouverte par l’analyse des activités professionnelles en situation – le quotidien n’étant pas affaire d’application mécanique de textes mais d’incertitudes, de dilemmes et de tensions (Ravon & Vidal-Naquet, 2018).
De plus, ce cas a ceci d’intéressant qu’il a provoqué lors des discussions en équipe beaucoup d’émotions comme de la peur, de la colère, mais également parfois un sentiment de compassion. Ces émotions et la manière dont ils en parlent ou cherchent à les travailler, je le montrerai, sont d’excellents signaux pour reconnaitre l’intention et la règle que les professionnels sont en train de suivre et à partir de laquelle ils évaluent les situations.
Bibliographie
Présidente : Laurence SIMMAT-DURAND, Université de Paris
Discutante : Saskia COUSIN, Université de Paris
Cette communication s’attache à analyser les discours qui accompagnent les programmes d’accueil des migrants par le sport en Europe. A partir d’un recensement empirique des objectifs de plus de 200 programmes, nous tentons en premier lieu de faire émerger différentes conceptions de l’inclusion sociale constituant des philosophies politiques. Ensuite, et alors que leurs formes sont encore largement inconnues au-delà de leur variété (Bertram et al., 2016), nous tentons d’établir différentes modalités « idéal-typiques » (Weber, 1992) de ces programmes d'accueil à partir d’une analyse des correspondances multiples (ACM) entre les philosophies politiques, les pays d’accueil, les profils de programmes et les statuts de migrants.
Une première philosophie politique consacre l’épanouissement corporel sensible (Le Breton, 2003) des migrants à travers la pratique de leurs passions sportives. Une seconde philosophie typique envisage au contraire une acculturation par corps (Ha & Lyras, 2013) aux usages et pratiques de la société d’accueil. Enfin, une troisième philosophie s’inscrit dans une logique humanitaire où les émotions ressenties permettent la réparation d’êtres souffrants (Fassin, 2015).
Cette recherche permet alors de mettre en évidence les relations entre les grands types d’acteurs qui tiennent ces discours. Par exemple, les clubs sportifs allemands existants visent une acculturation des réfugiés statutaires à la langue du pays d’accueil cohérente avec l’approche assimilationniste caractérisant les pays européens (Joppke, 2007). A l’opposé, des clubs sportifs se sont spécifiquement créés en France pour permettre aux migrants d’accéder à leurs passions sportives dans une perspective davantage multiculturaliste (Henry et al., 2007). Ce type de pratiques consacre ainsi l’effritement des « modèles nationaux » traditionnels d’intégration (Schnapper, 2007). L’analyse des relations entre les formes idéales-typiques obtenues permet alors de mieux appréhender les enjeux des différentes conceptions autours desquelles se jouent l’inclusion sociale des migrants, au-delà des représentations qui font du sport un outil apolitique marginal et inconséquent.